Les Cahiers de l’AFECCAV

Ce deuxième numéro de la revue en ligne Les Cahiers de l’AFECCAV porte une attention particulière aux cinémas du monde et aux appartenances nationales. Traitant du puissant cinéma américain ou du cinéma soviétique, du cinéma brésilien ou des cinémas marocain et tunisien, les auteur-e-s interrogent leur corpus selon des méthodologies issues des approches culturelles, génétiques, civilisationnelles. La confrontation d’approches, loin d’être dogmatique, permet de sérier tant les appartenances culturelles profondes que les phénomènes d’hybridation et d’intermédialité.

L’objectif d’Emmanuelle Meunier dans « (Re)penser l’étude génétique des œuvres cinématographiques. L’exemple topique du Casanova de Fellini, » est de contribuer à une évaluation des apports et des écueils des études génétiques en terrain filmique. En effet, l’abondance d’une matière génétique variée qui entoure le Casanova de Fellini (1976) se prête tout particulièrement à l’établissement d’une méthodologie de l’étude génétique des œuvres cinématographiques, alimentée tant par la problématique des sources et de leur accessibilité que par celle d’un regard transdisciplinaire, liant littérature et cinéma.
Dans « Comment rendre compte des phénomènes d’hybridation, d’intermédialité et de métissage des images », Marie-Julie Catoir s’interroge sur le mélange des genres cinématographiques qui caractérise les films de fiction mexicains contemporains. Elle plaide pour une articulation des approches sémio-pragmatique, historique, anthropologique et sociologique de l’image, à la lisière des Cultural et Post Colonial Studies.
Adoptant quant à elle, pour lire le film, « la méthode métissée nommée civilisation américaine », Eliette Benjamin-Labarthe montre à travers l’étude de « Cimarron de Wesley Ruggles (1931) » comment le « cimarrón » de l’Ouest va subir une perte de sens pour se folkloriser. En procédant à un éclairage étymologique et en analysant des données historiques, elle met en évidence que le cinéma étasunien, porteur d’une critique de l’idéologie nationale, est un puissant vecteur d’enseignement de l’histoire entre deux cultures rivales « hispanocentrique » et « anglocentrique ».
Eugenie Zvonkine dans « Le cinéma soviétique, un domaine en partage », rend compte de la spécificité d’approches de la matière filmique à travers le prisme des études d’historiens et de slavistes sur l’exemple de Brèves rencontres (Korotkie vstretchi, 1967) et Longs adieux (Dolgie provody, 1971) de Kira Mouratova.
Les questions de réception des cinémas nationaux sont également au cœur de la problématique de ce numéro 2 des Cahiers de l’AFECCAV. « Le cinéma comme articulation de différences culturelles : une approche postcoloniale du cinéma brésilien » par Amaranta César nous entraîne dans une réflexion sur la légitimation des représentations des territoires de la pauvreté au-delà des frontières nationales. A partir du film de Fernando Meirelles, Cidade de Deus, Amaranta César explore les relations d’altérité/identité d’une lutte culturelle brésilienne qui se joue selon elle à l’intérieur des frontières et vise à construire un régime de vérité de ces représentations.
Patricia Caillé  s’intéresse aux films du Maghreb. « Dans Hybridité ou dissonance ? Quelques réflexions épistémologiques et méthodologiques sur la réception du festival du film tunisien à Paris », elle nous invite à examiner avec elle l’alchimie qui s’opère dans la construction d’un événement entre des objectifs affichés par les organisateurs et un public qui répond et se mobilise face à ces objectifs. Elle examine les rapports de pouvoir au sein de la culture dite dominante et dresse un bilan inquiétant : alors que le Festival affichait comme objectif la promotion en France d’un patrimoine national et de ses talents, il a peu touché un public autre que tunisien ou binational, et a été largement ignoré par un public français.
Bertrand Girardi observe dans « Enquête sur la réception des études cinématographiques et audiovisuelles au Maroc, effet d’interculturalité », de nouvelles communautés de réception des objets cinématographiques qui font évoluer par l’interculturalité les outils d’analyse en même temps que l’histoire du cinéma et des médias. Posant comme préalable les spécificités culturelles de l’étudiant marocain (religion, monarchie, traditions africaines), il interroge leurs attitudes de réception devant des objets visuels en lien avec les questions d’identité sociale et culturelle.
Ces articles écrits par des chercheurs de différentes nationalités et d’appartenances disciplinaires diverses visent à produire une meilleure connaissance des phénomènes qui définissent, à travers quelques exemples précis, les spécificités nationales ; ils plaident pour l’interculturalité, le dialogue des cultures et des civilisations, le respect des différences.

par Pierre Beylot, Isabelle Le Corff, Michel Marie