Appel à contribution. Les Cahiers de l’Afeccav, n°5

Les langues dans le cinéma européen

Martin Barnier

Isabelle Le Corff

 

L’espace géopolitique européen est un espace en mutation défini plus fréquemment par des considérations économiques que culturelles. A l’instar de cet espace, le cinéma européen est mouvant et mérite que nous nous focalisions sur les concepts qui permettent de l’identifier et de le définir en cette première décennie du vingt-et-unième siècle. Les ouvrages et publications universitaires se focalisent, pour la plupart, sur les cinémas nationaux et les cinémas d’auteurs. Les Cahiers de l’Afeccav proposent d’étudier des films qui constituent le « patrimoine cinématographique européen ». Comment s’est constitué ce patrimoine s’il s’est effectivement constitué ? Quels échanges ont eu lieu ? Dans tous les cas, la construction d’une production européenne implique des choix linguistiques à tous niveaux (production, tournage, distribution, réception). Quel est l’impact des langues nationales, régionales et des spécificités linguistiques sur ce patrimoine ?

La multiplicité des langues est l’une des particularités de l’espace européen qui s’oppose en cela à l’autre grand centre de production cinématographique occidental, l’Amérique du Nord. Leur abondance constitue-t-elle un frein ou participe-elle au contraire du dynamisme de la production européenne ? Comment fonctionnent les échanges de programmes et de films en Europe sous la contrainte des barrières linguistiques ? Y a-t-il des langues dominantes ? Les langues régionales ont-elles une place dans la production européenne ? La langue apparaît comme marqueur national mais également comme marqueur social à travers les accents (ex : accents régionaux, accents ruraux, accents d’immigrés de première génération, accents de banlieue) ou à travers des formes linguistiques posées comme moyens d’affirmation d’une identité transnationale, de cultures hybrides. Quels rôles jouent les langues et les accents dans la construction des stéréotypes ? Comment ces marqueurs circulent-ils au sein de la cinématographie européenne ? Quelles sont les retombées esthétiques de tels marqueurs ?

En matière de production et de diffusion, comment la législation européenne interfère-t-elle avec les législations nationales, et comment influence-t-elle la production de films, téléfilms et séries ? Y a t il des obligations linguistiques dans les systèmes de production ? Les co-productions aboutissent-elles inévitablement aux « europuddings » qui seraient forcément joués en anglais, puis doublés dans différentes langues ? Qu’apportent réellement les programmes tels que MEDIA, EUROPA dans la volonté politique de préserver des langues ? Comment ces co-productions influent-elles sur la langue de tournage ? Quelle est la circulation de coproductions tournées dans des langues régionales sur le marché européen ?

Les liens établis dès les années 1920 entre les producteurs européens se sont amplifiés lors de la généralisation du parlant. L’aspect historique de ces échanges intra-européens mérite également d’être revisité sous l’angle linguistique. Dans les années 1930, avant le développement du doublage, le tournage d’un même film en plusieurs langues simultanément a donné des résultats étonnants. Le Chemin du paradis a eu un énorme succès tout comme Die Drei von der Tankstelle. Les acteurs ne sont pas les mêmes, mais le scénario est identique. Des nuances peuvent être trouvées dans le jeu des acteurs et leur façon de prononcer les répliques. Ces comparaisons entre les films français, italiens, allemands, anglais, hongrois, suédois, etc. tournés en multiversions à cette époque sont riches d’enseignements sur les contextes de production comme sur les contextes de réception. Par exemple les films germano-tchèques tournés juste avant la « crise des Sudètes » prennent un sens particulier selon la langue dans laquelle ils sont joués.

Dans les années 1950, des films internationaux sont tournés avec des acteurs de différents pays, pour favoriser les coproductions. Il existe une « version internationale » du Guépard avec chaque acteur s’exprimant dans sa langue maternelle. Les films sont redoublés dans la langue de chaque pays. Quelles sont les transformations qu’impliquent les jeux d’accents, les idiosyncrasies linguistiques d’un même film vu dans différents pays ?

Se pose aussi la question de la réception spectatorielle au sein de l’Europe. Comment s’organisent les croisements, les transferts et les échanges ? Les publics nationaux acceptent-ils plus facilement certaines langues que d’autres en version originale ? Entre VO, doublage et sous-titrage, comment le sens même d’un dialogue se trouve-t-il modifié en passant une frontière ? Les remakes sont-ils indispensables pour faire circuler des films à forte coloration culturelle locale ? (ex : Bienvenue chez les Chtis). Enfin peut-on noter des évolutions quant à la réception du cinéma européen en Europe et à l’extérieur de l’Europe ?

Les propositions de contributions devront être soumises, en français ou en anglais à Isabelle Le Corff (cils@wanadoo.fr) et Martin Barnier (Martin.Barnier@univ-lyon2.fr) pour le délai de rigueur, le 15 février 2012. Après examen des propositions par le comité éditorial des Cahiers de l’AFECCAV, les auteurs dont les propositions auront été retenues s’engageront à remettre leur contribution pour le 1er juin 2012.

 

Bibliographie sélective

CHION MICHEL, Le Complexe de Cyrano, La langue française au cinéma. Editions Cahiers du Cinéma, Essais. Paris, 2008.

DUROVICOVA NATASA, NEWMAN KATHLEEN (Edt), World Cinemas, Transnational Perspective, Afi Film Readers, 2009.

ELSAESSER THOMAS, European Cinema : Face to Face with Hollywood, Amsterdam University Press, 2005.

EVERETT WENDY (Edt), European Identity in Cinema, Intellect Books, 2005.

EVERETT WENDY, GOODBODY AXEL, Revisiting Space : Space and Place in European Cinema, Peter Lang, 2005.

FOWLER CATHERINE, The European Cinema Reader, Routledge, 2002.

GALT ROSALIND, The New European Cinema : Redrawing the Map, 2006.

KONSTANTARAKOS MYRTO(Edt), Spaces in European Cinema, Intellect Ltd, 2000

NACIFY HAMID, An Accented Cinema : Exilic and Diasporic Filmmaking, Princeton, N. J. 2001.

 

Languages in European Cinema

Martin Barnier

Isabelle Le Corff

 

The European geopolitical space has been variable, more frequently defined by economic than by cultural considerations. In this early Twenty-First Century, European Cinema, reflecting this mutability, invites us to pay particular attention to the concepts which make it possible to identify and define this area. Academic publications focus for the most part on national cinemas and individual European filmmakers. Les Cahiers de l’ Afeccav proposes to study films that constitute the « European film heritage ». Once we accept that such a heritage does in fact exist, we must ask how it was created, and what exchanges have taken place. In every case, the construction of European film production involves linguistic choices at all levels (production, filming, distribution, reception). What is the impact of national and regional languages and of language specificities on this heritage?

 

Its multiplicity of languages is one of the features of the European area that defines it, in opposition to the other great Western film production centre, North America. Does their abundance put a brake on, or does it , rather, bring dynamism to European production? How do the exchanges of programmes and films occur in Europe , given the constraint of language barriers? Are there dominant languages? Do regional languages play a part in European production? Language appears to be not only a national marker but also a social marker through accents (e.g., regional accents, rural accents, accents of first generation immigrants, suburban accents) or linguistic forms posed as assertions of transnational identity, of hybrid cultures. What roles do languages and accents play in the construction of stereotypes? How do these markers function in European film? What is the aesthetic impact of such markers?

 

As for production and distribution, how does European legislation interact with national legislations, and how does it influence the production of films, TV films and series? Are there language obligations in the production systems? Do co-productions inevitably lead to “europuddings” necessarily acted in English, then dubbed in different languages? What do programs such as MEDIA, or EUROPA really bring in to the global political will to preserve languages? How do these co-productions affect the choice of languages in films? How does the distribution of co-productions filmed in regional languages function on the European market?

Links established in the 1920s between the different European producers have grown with the generalization of sound movies. The historical aspect of this intra-European interaction also deserves to be revisited in linguistic terms. In the 1930s, prior to the development of dubbing, the shooting of a film simultaneously in several languages gave surprising results. Les Chemins du Paradis was a huge success, just like Die Drei von der Tankstelle. The actors differ but the script remains the same. There are different nuances in the actors’ ways of performing and pronouncing their lines. These comparisons between French, Italian, German, English, Hungarian, Swedish films, etc. shot in multiple language versions during this period are rich in teaching about the contexts of production as well as the contexts of reception. For example, the German-Czech films made just before the “Sudeten Crisis” acquired a particular meaning according to the language in which they were played. In the 1950s, international films were made with actors from different countries to promote co-productions. There is an “international version” of The Leopard with each actor speaking in his mother tongue. The films are dubbed in the language of each country. What are the transformations involved by accents, linguistic idiosyncrasies of the same film seen in different countries?

 

Questions of reception within Europe are also important. How are transfers and exchanges organized? Do national audiences more readily accept certain languages than others in original language versions? With regard to original language versions, dubbing and subtitling, how does the meaning of dialogue evolve from one country to another? Are remakes essential to have films with strong local cultural colorations circulate within Europe? ( e.g., Welcome to the Chtis). Finally, can developments in the reception of European films be perceived both within Europe and outside Europe?

 

 

Proposals for contributions shall be submitted, in French or English to Isabelle Le Corff (cils@wanadoo.fr) and Martin Barnier (Martin.Barnier@univ-lyon2.fr) : the mandatory deadline is February 15th, 2012. After review by the Editorial Board of Les Cahiers de l’AFECCAV, authors whose proposals have been selected will submit their contribution by June 1st, 2012.

 

 

Selective Bibliography

 

CHION MICHEL, Le Complexe de Cyrano, La langue française au cinéma. Editions Cahiers du Cinéma, Essais. Paris, 2008.

DUROVICOVA NATASA, NEWMAN KATHLEEN (Edt), World Cinemas, Transnational Perspective, Afi Film Readers, 2009.

ELSAESSER THOMAS, European Cinema : Face to Face with Hollywood, Amsterdam University Press, 2005.

EVERETT WENDY (Edt), European Identity in Cinema, Intellect Books, 2005.

EVERETT WENDY, GOODBODY AXEL, Revisiting Space : Space and Place in European Cinema, Peter Lang, 2005.

FOWLER CATHERINE, The European Cinema Reader, Routledge, 2002.

GALT ROSALIND, The New European Cinema : Redrawing the Map, 2006.

KONSTANTARAKOS MYRTO(Edt), Spaces in European Cinema, Intellect Ltd, 2000

NACIFY HAMID, An Accented Cinema : Exilic and Diasporic Filmmaking, Princeton, N. J. 2001.