Proposition 

Mise Au Point n°9 (http://map.revues.org)

 

Humour(s) : cinéma, télévision et nouveaux écrans

(Dir.) Marie-France Chambat-Houillon & Isabelle Le Corff

 

 

(Scroll down for English version)

À la différence du comique qui est un trait propre à la comédie, l’humour est une disposition commune à tous les genres cinématographiques et télévisuels, brouillant les frontières des catégories génériques, artistiques et médiatiques. Dès lors, se pose la question de sa caractérisation au cinéma, à la télévision et sur le Net. Faut-il convoquer l’humour comme notion générale ou plutôt envisager l’existence d’un panel d’humours différents ? L’humour peut être ponctuel (plaisanterie, gag, etc.) ou bien œuvrer transversalement au film, à l’émission, à la capsule vidéo, relevant davantage d’une tonalité, d’une humeur. Si la diversité de l’humour semble admise avec Dominique Noguez qui n’hésite pas à évoquer « l’arc-en-ciel des humours »[1] pour mettre en valeur l’hétérogénéité des objets qu’il investit : de l’humour noir à l’humour jaune, en passant par l’humour rose…, reste à savoir comment le cinéma, la télévision et le Net composent avec cette disparité à la fois formelle et de contenus. Par rapport à nos champs de recherche, une interrogation surgit aussitôt : existe-t-il un humour de nature visuelle, voire audio-visuelle ? Et comment se définit-il ?

Il s’agit donc d’interroger les points de contact et les périmètres respectifs entre l’humour et l’incongruité comique, sans oublier ses relations au ludique et à l’ironie, dans les productions d’hier et d’aujourd’hui, ainsi que ses constantes reconfigurations, favorisant de nouveaux procédés et en oubliant certains ayant fait leurs preuves dans d’autres champs culturels, avec les nouveaux écrans.

En effet, force est de constater que l’humour est cette disposition de l’esprit qui fait les beaux jours du cinéma et de la télévision, ainsi que des productions audiovisuelles qui fleurissent sur Internet, véritable pépinière qui alimente par la suite les carrières cinématographiques et télévisuelles. À ce titre, la trajectoire de Norman est exemplaire de l’humour comme procédé de circulation médiatique: étudiant en études cinématographiques, il s’est fait connaître comme humoriste en postant des formats courts sur You Tube, puis a participé au Palmashow à la télévision pour accéder au premier rôle du film Pas très normales activités en 2013. Son identité humoristique s’est-elle fortifiée au gré de ses expériences ou bien s’est-elle diversifiée au risque de se dénaturer ? La diversité de ses activités interroge le caractère universel de l’humour et, par défaut, sa spécificité à l’art qui l’accueille. Les productions du Net s’inscrivent-t-elles dans l’héritage cinématographique et/ou télévisuel ou bien aident-elles à faire émerger de nouvelle formes inédites d’humour ? Peut-on parler d’un humour 2.0 ?

 

Humour, style et création

L’humour est souvent lié à son auteur. La tonalité humoristique contribue à l’émergence de l’univers inventé par l’artiste. Il est une dimension stylistique qui valorise une création singulière. On pense immédiatement à la filmographie de Woody Allen, mais aussi aux films de Jacques Tati ou encore à ceux des Monty Python. Il en va de même pour l’œuvre télévisuelle d’un Averty à l’humour corrosif.

Comment les procédés humoristiques participent-ils de la formation singulière et distinctive d’une œuvre au cinéma, à la télévision et sur le Net ?

Humour, culture et interculturalité 

L’humour est un formidable laboratoire pour comprendre les enjeux d’une société. D’après Simon Critchley[2], l’humour est une forme de « sens commun » dotée d’une portée sociale. Expression dont s’emparent les communautés pour affirmer leur identité contre toutes formes d’hégémonie, l’humour est alors affaire d’appartenance. En mettant en place une culture commune de connivences et de références, il est un des ressorts utilisés par les différentes communautés pour se constituer et se reconnaître. (Guignols de l’info, The Late Late Show …). Que nous disent les réalisations humoristiques d’une société, d’une époque ? Comment l’univers et l’histoire racontés dans les productions humoristiques sont-ils mis à distance, soumis à des procédés de défamiliarisation et de perturbation via les stéréotypes notamment ? On peut également interroger les représentations humoristiques d’autres sociétés et les ressorts de l’altérité (stéréotypes, sexisme, racisme etc). Comment l’humour compose-t-il avec la circulation mondialisée qui affecte les productions cinématographiques, télévisuelles et audiovisuelles? À l’épreuve de la mondialisation, comment sont reçues les formes audiovisuelles humoristiques dont paradoxalement les significations sont fortement dépendantes de leur contexte culturel ?

À titre d’exemples, les pratiques d’adaptation ou de remake, ainsi que celles liées aux techniques de sous-titrage ou de doublage peuvent être envisagées comme procédés de restitution ou de reconfiguration des dispositions humoristiques.

Humour et publics

De par sa nature transgressive il remet souvent en question la bienséance, les normes et assure parfois le retour du « refoulé », étant par conséquent clivant. C’est l’épineuse question de ses limites et de ses objets.

            Peut-on rire de tout ? L’humour vaut-il toutes les licences ? Comment les enjeux du représentable (cruauté, violence, vulgarité, etc.) s’articulent-ils avec la tonalité humoristique comme, par exemple, dans le film C’est arrivé près de chez vous ? L’humour est-il une fin ou un moyen ?

            Peut-on rire de tout…mais avec qui ? Surtout quand il est noir et violent, l’humour n’entraîne pas l’adhésion de tous les publics. Ce qui est acceptable pour certains, ne le serait pas pour d’autres, débouchant sur des réceptions fortement variées qui peuvent prendre parfois la forme extrême de controverse comme en témoigne l’exemple de Borat, interdit dans plusieurs pays.

            Ce caractère segmentant de l’humour trace de nombreuses catégories de réception très différentes. Une des lignes de partage la plus fréquente est la différence entre la réception populaire et la réception critique lors de l’accueil d’une production humoristique, suggérant la distinction entre un humour recommandable et un humour plus trivial.

            A l’inverse, on peut envisager l’humour comme un lien fédérateur de publics épars, non visés initialement par le genre. Ainsi en est-il des films d’animation de Walt Disney comme de DreamWorks, destinés plutôt aux publics enfantins, qui arrivent à séduire un public d’adultes par leur dimension humoristique, suggérant une double, voire triple lecture au moyen de clins d’œil. Ici la force de l’humour permet de réunir des publics distincts autour d’une même œuvre sans pour autant homogénéiser leurs postures spectatorielles.

L’adhésion aux formes d’humour dessine donc un certain type de public en produisant à la fois des effets –positifs comme négatifs- de distinction et de reconnaissance qu’il convient d’explorer.

Si certaines formes d’humour peuvent apparaître a priori gratuites ou d’une totale innocuité, s’inscrivant dans le registre du divertissement, ne faut-il pas s’interroger aussi sur leurs portées politiques, au sens philosophique du terme. En effet, l’humour n’est-il pas une « vision du monde », en accord avec la définition qu’en donne Wittgenstein[3]. Dans quelles mesures, au cinéma, à la télévision et sur le Net, l’humour qualifie-t-il une forme d’engagement ?

On le remarque : l’humour n’est pas chose aisée à définir en raison de ses excès et de sa prolifération dans tous les champs culturels. À la croisée de formes et de contenus, de pratiques et de procédés, de disciplines et d’approches, il est donc un objet particulièrement stimulant pour comprendre les enjeux créatifs ou ordinaires qui jouent au cinéma, à télévision, d’hier et de nos jours, et pour les nouveaux écrans. Plus que jamais, l’étude de l’humour est un point d’entrée nécessaire pour saisir la place et le rôle des arts et des médias dans la société.

Les propositions de contributions devront être soumises, en français ou en anglais à Marie-France Chambat-Houillon (marie-france.chambat-houillon@univ-paris3.fr) et Isabelle Le Corff (cils@wanadoo.fr) pour le délai de rigueur, le 30 mai 2015. Après examen des propositions par le comité éditorial de Mise Au Point, les auteurs dont les propositions auront été retenues s’engageront à remettre leur contribution pour le 1er septembre 2015. Les articles soumis ne doivent pas faire l’objet de publication dans une autre revue.

Call for Papers

Mise Au Point n°9 (http://map.revues.org)

 

Humour(s): Cinema, Television and New Screens

(Dir.) Marie-France Chambat-Houillon & Isabelle Le Corff

Unlike the comic, which characterises ‘comedy’, humour is found equally in all cinematographic and televisual genres, blurring the generic, artistic and media borders. This means we are faced with the question of how to define humour in film, television and on the internet. Should it be regarded as a single entity, or rather as a range of different sorts of humour? Humour can appear as a once off (joke, gag, etc.) or infuse an entire film, programme or clip, creating tone or atmosphere. Dominic Noguez seems to recognise the diversity of humour when he speaks of « l’arc-en-ciel des humours »[4] [the rainbow/ spectrum of humours] as a means of showing the heterogeneity of the objects it may affect: from black humour to wry humour, not to mention sentimental humour… It remains to be seen how cinema, television and Internet deal with such disparity in form and content. Considering our research domain, one question springs instantly to mind: can we speak of a specifically visual – or indeed audio-visual – humour? If so, how may it be defined?

We will therefore be examining the respective perimeters and points of contact between humorous and comic incongruity in past and contemporary productions, with reference to the ironic and the ludic. As well as this, we will investigate the various reconfigurations of humour – particularly when dealing with new screens – promoting some innovative approaches and disregarding others, which have already proved their worth in other cultural fields.

In fact, it is clear that humour is a common thread in cinema and television. It is also present in the proliferation of online audiovisual productions. The Internet acts as a sort of hothouse, and gives rise to many careers in cinema or television. The example of ‘Norman’ demonstrates that humour can be a form of media currency. Norman, a film student built up a reputation as a comedian by posting shorts on You Tube. After this, he took part in the television programme Palmashow, which propelled him to the lead role in the film Pas très normales activités (2013). Has he consolidated his comedic identity by these varied experiences or has he spread himself too thin? The diversity of his roles interrogates the universal nature of humour and, by default, its specificity to the art, which hosts it. Are we to consider Internet productions as a continuation of cinematographic and/ or televisual heritages, or rather as something different, which acts as midwife to novel forms of humour? Is it possible to speak of a Humour 2.0?

 

Humour, style and creation

Humour is often strongly associated with its author. Humoristic atmosphere or tone is inextricably linked to the universe invented by the artist. It gives each individual creation a stylistic dimension. The work of Woody Allen springs immediately to mind, as well as the films of Jacques Tati and Monty Python. The same may be said of Averty’s corrosively humorous television work.

How do comedic processes contribute to the creation of a cinematic, television or Internet work?

Humour, culture and interculturality

Humour is an excellent laboratory in which to test the issues of any given society. As Simon Critchley[5] has it, humour is a sort of « sens commun » [common sense] augmented by its social impact. As a means by which different groups affirm their identity against hegemony in all its forms, humour is also relevant to questions of identity and belonging. By setting up a culture of complicity and shared references, humour is a vital tool for various groups to define and recognise themselves (Guignols de l’info, The Late Show… What may we learn from the comedic productions of society at a particular time or place? How do comedic productions manage to create a distancing effect from the story they tell? How do they defamiliarise viewers from their cultural context? Stereotypes are one important tool in the kit. We might also investigate comedic representations of other societies and alterity (stereotypes, sexism, racism, etc). In what way does humour make peace with the globalised circulation common to cinematographic, televisual and audiovisual productions? Indeed, how are such comedic audiovisual forms received and understood on a global scale – considering that their meanings are so strongly dependent on their cultural context?

Interesting examples of these tensions are evident in the practices of adaptation or the ‘remake’, as well as techniques of subtitling or dubbing. All of these may be regarded as processes of recovery or even as a reconfiguration of comedic elements.

Humour and audiences

By its transgressive nature, humour often challenges social norms… and sometimes enables the ‘return of the repressed’. This can be divisive, posing the thorny question of the proper target and limits of humour.

            Is it possible to laugh about everything? Can humour be allowed total licence? How may issues of the representable (cruelty, violence, vulgarity, etc.) be expressed in a humorous way as, for example, in the film C’est arrivé près de chez vous? Is humour a means or an end?

            Is it possible to laugh about everything… or with everyone? In the case of black humour or violent humour, certain audiences resist. What some do find acceptable is downright offensive for others, and this panoply of reactions sometimes leads to controversy as with the film Borat, which was banned in a number of countries.

            The divisive nature of humour splits audience reception. A common line of demarcation is the difference between popular and critical reception, which suggests a distinction between ‘high’ and ‘low’ or ‘trivial’ humour.

            On the other hand, we may see humour as something, which brings people together, despite their not having been ostensibly targeted by the genre. Such is the effect of animated films like those of Walt Disney or DreamWorks, initially intended for children, but which nonetheless also appeal to adults thanks to their comedic dimension. This points to a double, or even triple reading based on adult knowingness. The power of humour brings very different audiences together around one work without homogenising their distinct spectatorial stances.

Going along with certain types of humour characterises a certain type of audience by producing effects of differentiation and recognition (both of which can be both positive and negative) and this merits exploration.

Whilst certain forms of humour may appear at first glance to be completely innocuous, or pure entertainment, it is important to interrogate these too. What is their political impact, in the philosophical sense of the term? For humour is a sort of ‘worldview’, in the Wittgensteinian[6] definition. To what extent, in cinema or on television or the Internet can humour be considered as a form of social or political engagement?

            It is clear that humour is no easy thing to define because of its excess and its ubiquity across every field of cultural endeavour. At the crossroads of forms and contents, practices and processes, disciplines and approaches, humour is really a particularly interesting object of study to help us understand the creative issues at play in the cinema and television of the past and present, and of course now also taking place on a multitude of new screens. More than ever before, the study of humour is a necessary entry point for a better understanding of the role and place of media and the arts in society.

Proposals (in French or in English), should be submitted by 30 May 2015 to Marie-France Chambat-Houillon (marie-france.chambat-houillon@univ-paris3.fr) and Isabelle Le Corff (cils@wanadoo.fr). The editorial committee of Mise au Point will examine these proposals. Those authors whose papers have been accepted must submit their final article by 1 September 2015. The submitted article must not be the subject of publication in another journal.

[1] L’arc-en-ciel des humours, Dominique Noguez, Livre de Poche, Paris, 2000.

[2] De l’humour, Simon Critchley, Editions Kimé, Paris, 2004.

[3] Remarques mêlées, Ludwig Wittgenstein, éditions Flammarion, Paris, 2002.

[4] L’arc-en-ciel des humours, Dominic Noguez, Livre de Poche: Paris, 2000.

[5] De l’humour, Simon Critchley, Kimé: Paris, 2004.

[6] Remarques mêlées, Ludwig Wittgenstein, Flammarion, Paris, 2002.